Salauds de pauvres ? Non, mais...faut voir !

Oui, c’est vrai, notre petit appartement au loyer bien raboté, un trois pièces plutôt dépouillé mais néanmoins douillet, n’est chauffé l’hiver qu’à dix-sept degrés (17°). Et, d’accord, nous n’avons pas d’automobile. Pas plus d’ordinateur, je vous le concède, ni toute cette chiée de bidules genre i-prout dispendieux et pour nous inutiles. Notre électroménager est basique, c’est rien de le dire, et notre alimentation certes bonne et correcte et suffisante lorgne toujours vers l’austère et le parcimonieux. Enfin, les potomanes que nous sommes, caféinophiles invétérés aussi, sifflent rarement les Brouillys et les Côtes Rôties. Pourtant, si j’annonçais haut et clair notre budget mensuel, cela vous trouerait le cul quand même !

Ça n’est pas pour me vanter, comme dirait Philippe Meyer, mais nous ne sommes pas malheureux, Ji et moi, c’est un euphémisme. Car, au diable l’avoir et le faire, nous aimons surtout être. Nous sommes volontiers et nous sommes avec volupté !

Niveau de vie n’est pas qualité de vie. Besoin n’est pas envie, et ces deux là peuvent être vraiment personnels ou par l’entourage suggérés… Compensation et compulsion, quand vous nous tenez !

Déjà j’en vois parmi vous qui ramassent des pierres en avisant mes carreaux et j’entends sourdre les huées, à mort ! Qu’on le pende !, les appels au lynchage.

Avant que de m’écarteler, me passer à la roue ou me clouer au pilori, permettez-moi de développer mon propos et de le nuancer. Ce qui se conçoit bien, dit-on, s’énonce clairement. Certes, mais ça n’est plus aujourd’hui de la tarte, du gâteau encore moins, d’extraire des lambeaux d’idées de mon cerveau déjà proche de la gelée ou de la pâtée pour chien, l’âge est là, et de reconstituer un raisonnement cohérent autour d’un sujet si délicat.

Préambule incontournable, ma grande probité (je suis probite ne se dit pas !) et ma tolérance naturelle m’interdisent bien sûr de dicter à quiconque sa conduite (cela va sans dire et mieux encore en le disant). Donc !

Donc ! La marche du monde est orchestrée par les possédants, c’est une lapalissade. Et j’enfonce une porte ouverte si j’écris que les personnalités politiques par nous mandatées ne font pas (toujours bien) leur travail (Dites-moi si je me trompe, il me semble que dans une démocratie les élus politiques sont censés exercer le pouvoir au nom et dans l’intérêt du plus grand nombre). Ânonner ces évidences conduit au café du commerce et au poujadisme aussi médiocres qu’improductifs l’un et l’autre. Les gens de pouvoir sont au pouvoir…oui, et n’ont donc pas intérêt à bousculer l’ordre des choses. Mais, qu’on y pense et se le dise, ces gens de pouvoir ne représentent jamais, en criant fort pour arrondir, que cinq pourcents (5%) de la population humaine... Alors ? Sauf à geindre et râler que font les autres nonante-cinq pourcents (95%) pour améliorer ce sort maudit qu’ils déplorent tant ?

Non, attendez encore avant de lancer les pierres !

Ne nous en déplaise à nous tous, petites créatures anonymes de peu de foi, nous pouvons influer sur cette marche du monde. Yes, we can ! De trois manières au moins.

D’abord l’activisme. Certains s’y risquent, façon indignados (ça vient d’Espagne, coño !), altermondialistes et greenpeacistes de tout poil. C’est légitime, souvent spectaculaire et parfois un rien efficace (quoique). Mais il n’entre pas dans notre nature à tous de camper à Times Square ou au Rond-point Schuman, de jeter des barrières nadar à la tête des CRS ou de se coucher sur les rails devant les convois tchoutchou de déchets nucléaires.

Ensuite l’étude et la réflexion. Certains experts, scientifiques et sociologues, économistes ou philosophes, s’y adonnent. Ils repensent l’activité humaine, l’utilisation intelligente des sols tout ça, essayent de souligner les dégâts collatéraux de notre mode de vie (ravages écologiques, inégalités sociales), bref préconisent une démarche éthique. C’est passionnant, édifiant, faisable techniquement et en pratique, mais pas sans la volonté politique pour peser sur les argentiers. Tout le monde n’a pas fait quinze ans d’université (moi pas en tout cas, mais ça n’empêche pas d’écouter et d’essayer de comprendre un peu), ni n’a les loisirs ou les moyens d’imaginer autrement la terre et l’humanité.

La troisième voie nous concerne tous, vous et moi compris. Chacun peut cultiver son jardin, balayer devant sa porte, débarrasser sa maison des poussières et toiles d’araignées. Nous avons tous notre petit tas de crasse personnel, notre bagage d’habitudes pas toutes belles ni bonnes ni même conscientes parfois. Et si chacun commence aujourd’hui à (re)considérer son quotidien, alors l’état général du monde s’en trouvera modifié. Les penseurs appellent ça une rupture culturelle. C’est un gros mot ! En raccourci et en français : si nous arrêtions d’acheter de la merde, qui pourrait encore en vendre ?

Acheter est ici un hyperonyme, un terme générique. J’entends par là non seulement acquérir des choses mais aussi adopter des formes de pensée et de comportements dictées par les décideurs qui veulent nous placer leur camelote et nous garder en orbite. Rien ne nous oblige à courser encore et toujours les leurres qu’ils nous balancent.

Penser et vivre autrement. Et, tant qu’à faire, pourquoi pas mieux ?

Ne parlons pas de révolution. Tout casser ? Pour mettre quoi à la place ? Outre leurs angélismes utopiques les révolutions traînent souvent derrière elles des relents émétiques et dangereux d’extrémisme, d’absolu et de pureté (cf Cambodge ou Nicaragua). Mais, par contre, on pourrait envisager une évolution douce et progressive de notre façon de vivre, une évolution que chacun conduirait avec ténacité, par petites touches, un jour après l’autre. Chacun repenserait et reverrait ses automatismes, pratiquerait des rééquilibrages, des adaptations, des accomodements en apparence insignifiants (et peu douleureux !) mais qui réunis, additionnés, donnerait au bout du compte une toute autre gueule à notre existence personnelle et à la marche du monde. (Peut-être pourrions-nous d’ailleurs, qui sait, ébaucher dans une prochaine chronique ici même une liste de petits riens à reconsidérer ?).

Mieux penser et vivre notre quotidien n’a rien d’utopique. Allez-vous me dire que l’utopie serait de croire que nous en soyons capables et désireux ?

Pensez-y avant de jeter les pierres et pensez aussi à la phrase d’Aristote : « Le commencement est la moitié de tout ! ».

Á dans quinze jours !

 



14/12/2011
6 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 23 autres membres