La transformation ? Oui, mais encore...
La conscience m’importe beaucoup !
Prenez par exemple cette jeune femme là-bas. Mais si, regardez, là devant la maison bleue (adossée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clef…). Chaque matin vers sept heures trente elle monte dans son automobile. Elle tourne la clé de contact, lançant ensemble le moteur et la radio en un geste réflexe. Elle roule trente minutes et trente kilomètres puis quitte son automobile et marche vers son lieu de travail.
Posez-lui la question, et elle ne pourra sans doute pas répéter les mots et les notes émis par la radio. Ni non plus restituer les images déroulées devant elle et le pare-brise. Encore moins relever les différences avec les matins précédents… Ces trente minutes elle ne les a pas vécues mais juste fonctionnées. Ces trente minutes ont glissé sous la table, elles sont perdues, gaspillées.
La conscience m’importe beaucoup. Faites le compte de ces périodes d’absence, de ces moments de non vie, de bonheur potentiel jeté aux orties et vous obtiendrez une addition faramineuse d’existence spectrale !
Je me souviens de cette terrasse, meubles en plastique blanc, dans le quartier Talborjt d’Agadir en janvier dernier. Nous y étions installés, J. et moi, dans la belle lumière matinale. Face au soleil rasant, encore doux. Nous enchaînions les thés et les cafés en dissertant du grand tout et des petits riens, en goûtant le spectacle de la vie de nos semblables. Á la table d’à côté un jeune couple d’origine balkanique (c’est, du moins, ce que pensait mon oreille) avait opté pour le grand jeu. Café, croissants, baguette grillée, beurre, œufs à la coque et confiture d’abricots (à Agadir c’est toujours de l’abricot). Lui était resté dos au soleil et au spectacle de la rue. Comme un bon soldat consumériste, parfait esclave des technologies modernes, il avait gardé les yeux rivés quarante-cinq minutes sur son i-phone ou i-pod ou i-prout, bref son super Gsm (qui téléphone mais cire aussi les chaussures et désinfecte les toilettes et rase les poils de nez). Cela sans adresser un regard à sa compagne, et pire, en laissant refroidir les œufs et le pain rôti…
La conscience m’importe beaucoup. Mon temps est compté, comme le vôtre, et je voudrais essayer de retirer le suc, la quiddité de chaque instant de cette bonne vie !
Pensez à l’hominidé que nous avons été. Qui s’est dressé sur ses pattes arrières, a développé un cerveau hors du commun animal et fini par articuler des mots. Pour en venir a la conscience.
Devenus humains, nous sommes-nous montrés à la hauteur de ces outils magnifiques ? Le cerveau. Le langage. La conscience. Avons-nous réussi la transformation ? Avons-nous trouvé ou choisi le bon compromis entre humanité et animalité ? Á savoir, avons-nous conservé le bon sens de l’animal que nous étions d’abord, et utilisé cerveau et conscience pour orienter intelligemment nos nouveaux comportements d’humains ?
Nous sommes désormais sept milliards (c’est nouveau, ça vient de sortir) d’êtres humains sur terre. Un tiers vit aux dépens des deux autres. Par ignorance, par refus de voir ou par cupidité.
Notre planète est dans l’état que l’on sait, et avec elle la faune dont nous sommes issus et faisons toujours partie, ne l’oublions pas. Et tout ça pour quoi ? Pour de bien piètres et maigres quantité et qualité de bonheur… Convenons-en ! Il n’est que de considérer nos semblables avec lucidité et sincérité. Difficile de prétendre que ces visages irradient le bonheur et le plaisir de vivre !
Nous n’avons pas réussi cette transformation. Nous avons oublié certaines pratiques animales pleine de bon sens, même si instinctives et inconscientes, et développé avec notre cerveau supérieur des comportements humains ( ?) erronés, des errements néfastes à tout et à tous.
Á la prochaine fois !