Des gros mots et des grandes idées ? Oui, mais encore...
Voici venir la nuit. Sortons dans l’obscurité du jardin. Regardons les tomates et la coriandre. Elles ne sont pas rouges et elle n’est pas verte. Car sans lumière pas de couleurs ! De même, existons-nous si personne ne nous regarde ? Sommes-nous autre chose que ce que les autres voient de nous ? Pouvons-nous dès lors être juste ce que nous sommes ?
Pensée et philosophie ne sont-elles qu’enculage de mouches ? (Se) Poser des questions est-ce regarder sécher la peinture ?
« Vous avez la belle vie ! ». On nous le dit, parfois, tantôt avec un peu d’envie ou avec un brin de reproche ou encore d’incompréhension amusée. En réponse je module toujours, belle je ne sais pas, limpide oui, à l’écart des contraintes et des obligations inutiles. Une existence conjuguée avec être. Neuf jours sur dix bons à vivre. Ni chance ni hasard mais des circonstances propices qu’il fallait reconnaître, saisir, utiliser…
J. et moi partageons, c’est heureux, le goût d’une certaine austérité quant au fonctionnement et à la matérialité du quotidien. La parcimonie dans la survie, l’obligatoire, le nécessaire, dégage des moyens pour l’envie, pour l’en vie. C’est là notre façon de penser, notre marque de fabrique. Identité ? C’est un gros mot ! Souvent accolé à des épithètes genre nationale, religieuse, ethnique etc.
Ce besoin de s’associer à un groupe pour se définir ! Pourquoi ?
Mon identité c’est moi, ce que je suis, ce que je pense. Moi c’est moi, les autres sont les autres… Ça me convient, le reste m’indiffère.
Identité, mobilité, citoyen, croissance, tous ces mots dont on nous rebat les oreilles et qui finissent par me ressortir par les yeux et le nez…
Quand j’entends le mot biodiversité je sors mon révolver, de l’anglais to revolve tourner. Le revolver dispose d’un barillet qui tourne pour amener chacune des cartouches devant le percuteur. Le pistolet fonctionne quant à lui avec un chargeur logé dans la crosse et muni d’un ressort. Les balles montent une à une dans la chambre. La chambre où l’on baise. Baiser vient du latin basiare, baiser amoureux, poli ou respectueux. Le mot désigne l’idée d’appliquer ses lèvres (petites ou grandes) sur la partie d’un être ou d’une chose. En construction transitive son emploi a conduit à la signification de posséder charnellement. Depuis 1880 baiser a pris le sens figuré de tromper et s’est substitué à posséder, avoir, enculer. Baizoter (Ronsard, 16ème), devenu baisoter, évoque l’amour physique fait de manière routinière et médiocre. Baisodrome, construction plaisante, désigne le lieu réservé aux ébats. Où l’on s’ébat on ne se bat pas. Si baiser est un mot politiquement incorrect, violence est une grosse idée incorrecte, sans doute aussi inacceptable qu’illégitime. Mais parfois compréhensible.
Onze septembre. Onze du neuf. Du neuf ? Non ! Juste des mots de circonstance(s), birthday pas happy, des gros mots genre sécurité ou revanche, pas d’idées grandes genre revoir des comportements et repenser des certitudes.
Le Nigeria aura son prêt FMI parce qu’il facilitera le travail d’Exxon (Esso), l’Indonésie obtiendra le rééchelonnement de sa dette parce qu’elle simplifiera l’exportation du bois et la culture de l’huile de palme. Refuser de voir, aveugle par intérêt. Aveugle est devenu un gros mot, dites malvoyant voire (c’est drôle !) atteint de déficience visuelle. « Je me demande de quoi rêve un aveugle de naissance » (Douglas Coupland). Et femme d’ouvrage ? Veut-elle être appelée technicienne de surface même quand elle nettoie les caves ? « Quand ils se racontent des secrets les sourds-muets mettent des moufles ». (Patrick Timsit)
Des mots et des maux. Des maux de dos mais pas des mots de face. Des nouveaux mots pour travestir les mêmes vieilles réalités gênantes. Société de communication, plutôt celle des moyens de communication, car pour ce qui est de communiquer, bernique ! Qui dit quoi ? Allo ! T’es où ? Société de consommation et sacs plastique. Que l’on retrouve partout en ville et dans la nature alors que nous disposons de tous les moyens possibles pour transporter nos achats. Plastiques pas beaux, on est moches avec, mauvaise habitude inconsciente à réprimer. Encore un gros mot, fascisant, qui retire des voix à nos édiles…
« Fait chier ! » est incorrect ! Cela me fait déféquer serait plus convenable, bien comme il faut ! Pas crier, pas ruer, juste continuer sur son erre sans faire de bruit. Pas de question, super gros mot, si on commence avec les questions on ne peut que s’arrêter.
Mais on ne peut pas s’arrêter, pas vrai ?
S’arrêter, changer, des gros verbes ! On ne s’arrête pas, même pas le temps de regarder comment on vit, ça ferait peur. Et on ne change rien, « J’ai toujours fait comme ça ! », changer perturbe. Tout doit continuer comme avant, à rouler, rouler dans la farine…
Prochain rendez-vous le 1er octobre !